Les résultats de l’évaluation des partis politiques menée par le ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation sont tombés ce vendredi 14 mars 2025. Et le verdict est sans appel : sur les 67 formations politiques mises sous observation, deux ont été suspendues. Parmi elles, le RPG Arc-en-ciel, parti historique dont le leader, Alpha Condé, a dirigé la Guinée pendant plus d’une décennie.
La décision est lourde de sens. Officiellement, le RPG Arc-en-ciel a 90 jours pour se mettre en conformité. Officieusement, la sanction soulève des interrogations sur l’objectivité de cette évaluation et sur l’agenda réel de ses initiateurs. Est-on face à une simple mesure administrative ou à une manœuvre visant à redessiner le paysage politique guinéen en faveur de certains acteurs ?
Marc Yombouno, ancien ministre et membre influent du bureau politique du RPG Arc-en-ciel, ne mâche pas ses mots. Pour lui, cette décision est non seulement incompréhensible, mais aussi révélatrice de « l’incompétence totale et notoire » des autorités en charge des affaires politiques. Il dénonce un mépris des règles démocratiques et une tentative de neutralisation d’un acteur clé du jeu politique guinéen.
Les arguments avancés par l’administration peinent à convaincre. Certes, une meilleure structuration des partis est nécessaire pour assainir la scène politique, mais peut-on sérieusement comparer des formations politiques à des élèves sanctionnés pour indiscipline ? L’État a-t-il le droit d’exclure arbitrairement un parti de l’arène démocratique sous prétexte qu’il ne répond pas aux critères d’une évaluation opaque ?
Le contexte ajoute à la suspicion. Récemment, le gouvernement a réaffirmé sa volonté de libéraliser les activités politiques. Mais dans les faits, cette suspension ressemble davantage à un stratagème qu’à une véritable volonté de réformes. En effet, la mise à l’écart du RPG Arc-en-ciel crée un vide que certains petits partis, jusque-là marginalisés, s’empressent de combler, jubilant comme s’ils venaient de remporter une victoire électorale. Une illusion, car la démocratie ne saurait se résumer à un jeu de chaises musicales entre partis affaiblis et nouvelles formations promues par opportunisme.
La réaction du RPG Arc-en-ciel ne s’est pas fait attendre. Fidèle à son ancrage républicain, le parti refuse de céder à la division et attend de voir les termes précis de cette suspension avant d’annoncer une réponse officielle. Une posture prudente, mais qui traduit aussi une détermination à ne pas se laisser effacer sans combattre.
L’enjeu dépasse le simple sort d’un parti. Il s’agit de l’avenir du pluralisme en Guinée. Une démocratie véritable ne peut se construire sur des exclusions sélectives et des décisions arbitraires. Le RPG Arc-en-ciel est suspendu, mais la question demeure : qui sera le prochain sur la liste ?
Saliou Keita