Édito – Kindia, le 12 mai 2025
Il y a des silences qui sonnent comme des coups de tonnerre. Ce lundi 12 mai, la voix chaleureuse de Moussa Koffoé s’est tue, emportée par la maladie. Mais dans le cœur des Guinéens, son rire – ce rire franc, contagieux, profondément humain – continuera de résonner bien au-delà du deuil. À 75 ans, Koffoé s’en est allé, laissant orphelin un pays qui, par son humour, apprenait à se regarder en face, sans fard, mais avec tendresse.
À Kindia, sa ville natale, l’émotion est partout : dans les regards, les souvenirs échangés, les silences respectueux. Ce mardi, la cité des agrumes s’apprête à lui rendre un dernier hommage, digne de ce qu’il a été pour la culture guinéenne : un phare dans la nuit, une voix libre dans un paysage parfois trop convenu, un miroir tendu à une société en quête de repères.
Car Koffoé n’était pas un simple amuseur public. Il était un poète du réel, un chroniqueur de l’ordinaire, un militant du bon sens. Quand il montait sur scène, ce n’était pas pour fuir la réalité, mais pour l’embrasser, la questionner, parfois la bousculer. En 2016, il est couronné “Meilleur Comédien” à Bamako, une reconnaissance régionale qui confirmait ce que son public savait déjà : ce vieil homme en boubou savait faire rire avec intelligence. En 2022, il est propulsé tête d’affiche du Festival des Arts et du Rire de Labé. Enfin, diront certains. Il n’en tenait pas rigueur. Ce qui l’importait, c’était de transmettre.
Et il l’a fait. Son héritage est là, bien vivant, dans les voix des jeunes humoristes qui reprennent son flambeau. Dans les sketchs où il dénonçait les travers du pouvoir, moquait les travers sociaux, exorcisait les douleurs ordinaires. Dans chaque rictus esquissé au souvenir d’une de ses répliques bien senties.
Aujourd’hui, la Guinée enterre un homme. Mais elle garde en vie une œuvre. Koffoé n’est plus, mais son esprit, lui, veille. Dans un pays qui a tant besoin de vérité et de lumière, il restera cette étoile du rire – celle qu’on regarde les soirs de doute pour y puiser un peu d’espérance.
Adieu Koffoé. Et merci pour tout.
Alpha Amadou Diallo