Pourquoi le Premier ministre guinéen a-t-il préféré annoncer les prochaines élections en terre étrangère ? Cette question brûle les lèvres de l’opposition, qui n’a pas tardé à réagir à la déclaration faite par Bah Oury à Abidjan, en marge d’un forum international. Pour l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), ce geste est non seulement maladroit, mais surtout irrespectueux envers le peuple guinéen.
C’est depuis la capitale économique ivoirienne que le Premier ministre guinéen a levé le voile sur la prochaine échéance électorale en Guinée. Selon ses propos, la présidentielle et les législatives devraient se tenir en décembre 2025. Une annonce de taille, qui aurait sans doute mérité une scène nationale. Or, c’est devant un parterre d’acteurs internationaux que Bah Oury a choisi de faire cette déclaration. Un choix de forme qui ne passe pas.
Samedi 17 mai, lors d’une assemblée générale tenue au siège du parti à Conakry, l’UFDG est montée au créneau par la voix d’Abdoulaye Bah, coordinateur des fédérations de l’intérieur. Très remonté, ce dernier a dénoncé ce qu’il qualifie de « manque de respect » envers les Guinéens.
« Quand un responsable, un Premier ministre d’un pays, doit annoncer le programme des élections pour choisir le président, il doit le faire dans son pays ou à l’étranger ? Dans son pays », martèle Abdoulaye Bah, visiblement irrité. « C’est dans son pays qu’on doit annoncer le programme. Donc, là aussi, vous avez entendu de la propagande à Abidjan. »
L’ancien maire de Kindia n’en démord pas : cette sortie médiatique à l’extérieur des frontières est un affront à la souveraineté populaire. Pour lui, la solennité d’une annonce électorale ne saurait se faire ailleurs qu’en Guinée, devant les premiers concernés : les électeurs.
« Il faut connaître les Guinéens. Aucun chef n’annonce les élections de son pays dans un autre pays. Macky Sall, Alassane Ouattara, ils ne l’ont pas fait. Ils le font dans leur pays, en face des citoyens. C’est le respect, et c’est ça la civilité », poursuit-il.
Le message est clair : ce n’est pas à Abidjan que se joue l’avenir politique de la Guinée. Et ce n’est pas aux Ivoiriens qu’un Premier ministre guinéen doit rendre compte.
« Les Ivoiriens s’en fichent que les Guinéens fassent des élections. Ils sont en paix, ils ont choisi leur président, ils travaillent. Tout va bien, ça marche. Ils travaillent pour eux-mêmes », souligne Abdoulaye Bah, appelant Bah Oury à « être guinéen dans ses actes et dans ses paroles ».
En toile de fond, l’UFDG dénonce ce qu’elle considère comme une stratégie de communication politique vide de substance, destinée davantage à l’international qu’aux citoyens guinéens. Le mot est lâché : « propagande ».
Si cette déclaration du Premier ministre visait à rassurer les partenaires extérieurs quant au respect du calendrier de transition, elle soulève toutefois une interrogation majeure à l’intérieur du pays : le pouvoir transitoire assume-t-il pleinement sa responsabilité vis-à-vis du peuple ou cherche-t-il avant tout à se légitimer auprès de la communauté internationale ?
En attendant des précisions officielles à Conakry, la forme l’a emporté sur le fond, et le débat s’annonce houleux à mesure que décembre 2025 approche.
Saliou Keita