Aéroport international de Conakry, 4h du matin. Les visages sont graves, les regards fuyants. Dans la file d’embarquement du vol en direction de Djeddah, plusieurs passagers guinéens s’apprêtent à franchir un seuil interdit, celui d’un pèlerinage non autorisé. Munis de visas touristiques, de visite ou d’Oumra, ces voyageurs espèrent se fondre dans la foule des futurs pèlerins du Hadj 2025. Une tentative risquée qui inquiète les autorités religieuses et embarrasse l’image du pays à l’international.
Depuis quelques jours, le Secrétariat général des affaires religieuses multiplie les alertes. Une vague silencieuse de départs s’organise en marge du cadre légal. « Ce phénomène s’était déjà manifesté l’année dernière », nous confie un haut responsable du département sous couvert d’anonymat. « Des Guinéens étaient restés en cachette sur le sol saoudien, de la fin du mois de Ramadan jusqu’au début du Hadj. Cette année, les autorités saoudiennes sont sur leurs gardes. »
Le message est clair : seuls les détenteurs d’un visa Hadj et du badge officiel seront acceptés sous les tentes de Mina, ainsi que dans les logements de Médine et de La Mecque. Pour les autres, le risque est lourd. Le visa Hadj délivré cette année n’est valide que du 29 avril au 11 juin 2025, période strictement encadrée.
Face à l’ampleur du phénomène, les autorités religieuses tirent la sonnette d’alarme. À travers un communiqué officiel, elles préviennent : tout contrevenant, qu’il soit individu isolé ou agence de voyage, s’expose à des sanctions sévères. Du rapatriement immédiat à l’interdiction de territoire saoudien pendant cinq ans, les mesures sont dissuasives. Quant aux agences fautives, la menace est claire : radiation pure et simple, interdiction de recruter des pèlerins à l’avenir.
Au cœur du terminal international de Conakry, les agents de la police de l’air redoublent de vigilance. Le ministère de la Sécurité et de la Protection civile a été saisi. Sa mission : freiner l’exode des pèlerins clandestins, souvent motivés par l’illusion de vivre une Oumra prolongée, voire un Hadj non réglementé.
Mais pour certains candidats au pèlerinage, les raisons sont multiples : coût élevé du visa Hadj, désinformation, promesses trompeuses de certaines agences peu scrupuleuses. Une femme d’une cinquantaine d’années, rencontrée à l’aéroport, explique : « On m’a dit que le visa tourisme suffirait si j’y vais tôt. Je ne savais pas que c’était interdit. »
Dans les coulisses du système, des circuits parallèles se développent, entre arrangements douteux et petits réseaux informels. Mais pour le département en charge du Hadj, ces pratiques mettent en péril non seulement les contrevenants eux-mêmes, mais aussi l’image de la Guinée dans l’organisation de l’un des plus grands rassemblements religieux au monde.
Le pèlerinage est un devoir sacré, mais il doit se faire dans les règles. Et cette année, plus que jamais, les autorités entendent rétablir l’ordre et la transparence dans l’acheminement des fidèles vers les Lieux Saints de l’islam.
Saliou Keita