Conakry – Dans une salle modeste de Kaloum, les visages graves d’hommes et de femmes racontent une attente qui n’en finit plus. Ils sont membres de l’Association des victimes et parents du régime d’Alpha Condé (AVIPRAC). Leur combat ? Que lumière soit faite sur les crimes commis sous la présidence déchue d’Alpha Condé. Mais depuis plus d’un an, le silence des autorités judiciaires pèse comme une chape de plomb sur leur quête de justice.
« Nous avons tout donné à la justice, mais elle ne nous donne rien en retour », lâche dans un soupir une mère de disparu. À ses côtés, Maître Thierno Souleymane Baldé, avocat de plusieurs victimes, tente une nouvelle fois de relancer la machine. Dans une correspondance adressée au président Mamadi Doumbouya, il dénonce un arrêt brutal de la procédure judiciaire, sans motif officiel, alors même que les premières auditions avaient bien commencé.
« Le 20 janvier 2023, nous avons vu les premières victimes être entendues. Des centaines. Ensuite, les personnes mises en cause ont commencé à être auditionnées. Il ne restait plus grand-chose avant que le dossier ne soit transmis à un juge d’instruction », résume l’avocat, dossier en main. Parmi les suspects identifiés, figure l’ancien président Alpha Condé, ainsi que 26 autres personnalités, issues des sphères politique et sécuritaire du régime déchu.
Mais depuis plusieurs mois, plus rien. Silence radio du côté du parquet général. Les enquêteurs de la police judiciaire et de la gendarmerie, mobilisés pour une première phase d’instruction, n’ont plus été sollicités. Pour l’AVIPRAC, il s’agit d’un recul dramatique dans la lutte contre l’impunité.
Dans son courrier au chef de l’État, Maître Baldé appelle à une reprise rapide de la procédure : « Les victimes et leurs familles fondent beaucoup d’espoir dans ce procès. Elles veulent connaître la vérité, ne serait-ce que pour leur paix intérieure. » Avant d’ajouter, non sans gravité : « Lorsque la volonté politique est là, les obstacles ne sont que secondaires. »
Le message est clair : le temps des promesses est révolu. Les victimes, elles, s’accrochent aux paroles prononcées par le colonel Doumbouya lors de son arrivée au pouvoir en septembre 2021, lorsqu’il faisait de la justice « la boussole » de son régime. Deux ans plus tard, cette boussole semble déréglée.
« L’impunité est le lit des crimes à venir », prévient l’avocat, qui en appelle au président pour ne pas refermer cette page sombre sans l’avoir lue jusqu’au bout. « La Guinée a trop pleuré. Il est temps de sécher les larmes en rendant justice, à commencer par celles du régime Condé. »
Dans les locaux de l’AVIPRAC, les photos de proches assassinés ou disparus restent accrochées aux murs. Témoins muets d’une douleur vivace, mais aussi d’un espoir entêté : celui qu’un jour, la justice brisera enfin le mur du silence.
Aziz Camara