C’était il y a 77 ans : la création de l’État d’Israël. Joie et fierté pour les juifs qui voient leur rêve d’État se concrétiser. Accablement pour les populations arabes sur place. La semaine dernière, les Palestiniens commémoraient ce qu’ils appellent la « Nakba », la « catastrophe » en français, en référence à l’exode et à l’expulsion de plus de 800 000 Palestiniens de leurs terres après la création de l’État d’Israël. Ce fut le cas hier, notamment dans le camp de réfugiés d’Askar aux abords de la ville de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie occupée. Pour les Palestiniens rencontrés sur place par RFI, la situation à Gaza est une continuation de cette histoire tragique.
Jusqu’à la dernière minute, un doute planait sur la tenue des commémorations de la Nakba. Le matin même, les forces spéciales israéliennes ont investi le camp de réfugiés voisin de Balata. Elles viennent de se retirer. La fanfare démarre. Des centaines de personnes défilent dans les rues du camp d’Askar. Parmi eux, de nombreux enfants et de jeunes habillés en tenue d’époque. « On est habillés comme nos ancêtres qui ont été déracinés en 1948 pendant la Nakba. Quand on les a fait sortir de leurs terres, ils étaient habillés comme ça. Mes grands-parents vivaient leurs vies normalement dans la ville de Lod quand des milices sionistes leur ont demandé de partir trois jours seulement. Ils avaient promis de les faire revenir. Mes grands-parents sont partis et, 77 ans plus tard, ils ne sont toujours pas rentrés », témoigne Jamil, un grand adolescent qui arbore une longue jellaba et un keffieh.
Un petit train arrive plein à craquer. « Ce train symbolise la Nakba et le fait qu’on veut rentrer chez nous. C’est aussi pour que les enfants puissent s’amuser et qu’ils n’oublient pas nos villes, Jaffa et Haïfa. On ne doit pas les oublier. Mes grands-parents m’ont raconté que ce sont de belles villes et qu’on a une maison là-bas. J’espère qu’on pourra y retourner un jour », explique Qacem, 15 ans. Jaffa et Haïfa se situent désormais en Israël. Dans la foule, certains enfants brandissent aussi des armes ou des clefs en cartons. Le message est clair et assumé ici : le « droit au retour » se fera coûte que coûte.
Pour Samer Al Jamal, qui supervise les programmes scolaires au ministère palestinien de l’Éducation nationale, transmettre la mémoire de la Nakba est crucial. « Au sein du ministère de l’Éducation nationale, nous faisons en sorte que le récit palestinien des événements soit présent dans les programmes scolaires. On organise aussi des évènements dans nos écoles. Des activités, des festivals, tout ce qui est en notre pouvoir pour que ces élèves continuent d’être attachés à cette terre. Les Israéliens ont cru que les anciens allaient mourir et que les plus jeunes allaient oublier. Cette génération n’oubliera pas la terre de ses grands-parents et de ses ancêtres. Chaque génération se passera le flambeau du souvenir », estime-t-il.
Sur les banderoles ou dans les discours, une phrase revient sans cesse : la « Nakba continue ». Ghassan Daghlas, gouverneur de Naplouse en explique la signification : « La Nakba continue, oui. Tant que l’occupation perdure, la Nakba continue. Tant que l’injustice se maintient vis-à-vis du peuple palestinien, alors la Nakba continue. On espère que cette injustice cessera et que le peuple palestinien pourra accéder à son rêve d’État indépendant avec Jérusalem comme capitale. » Quelques heures après cette cérémonie, on apprenait qu’Israël lançait sa vaste offensive terrestre sur Gaza.
Rfi