Conakry, 26 mai 2025 — L’ambiance était solennelle, presque électrique, ce lundi matin dans la salle de conférence de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC). Devant une nuée de micros tendus, le directeur général de l’agence, le magistrat Alpha Seny Camara, annonçait officiellement ce que beaucoup attendaient depuis des mois : la mise en vente aux enchères des biens de l’ex-ministre de la Défense, Dr Mohamed Diané, figure déchue du régime d’Alpha Condé.
Condamné à cinq ans de prison ferme et à une amende faramineuse de 500 milliards de francs guinéens, Mohamed Diané voit désormais plusieurs de ses immeubles passer sous le marteau de la justice. La date est fixée : le jeudi 29 mai, dans l’enceinte même du siège de l’AGRASC, à Conakry.
« Ce n’est ni une conférence de presse, ni une réunion politique », a martelé Alpha Seny Camara. « C’est une vente aux enchères publique, mais avec des règles très précises. » Parmi elles, une condition sine qua non : le ticket d’accès.
« Ceux qui veulent acheter doivent se présenter la veille au soir. On leur remet un ticket d’entrée. Sans ce ticket, pas d’accès à la salle. »
Une organisation minutieuse pour un événement à forts enjeux financiers et symboliques. Chaque bien mis en vente verra son prix de départ communiqué avant le jour J. Le jour de la vente, les enchères pourront grimper en flèche, comme l’explique le magistrat avec un exemple concret :
« Si un immeuble est estimé à 20 milliards, il peut finir à 30 milliards. Mais l’acheteur n’a pas à payer tout d’un coup. Il doit verser un tiers, soit 10 milliards, à la Caisse de dépôt et de consignation. Il aura ensuite 10 jours pour régler le reste. »
Mais attention aux retardataires ou aux indécis : le magistrat a averti sans détour.
« Si l’acheteur ne complète pas dans les 10 jours, l’immeuble revient automatiquement à l’enchérisseur précédent. Et le tiers déjà payé est irrémédiablement perdu. »
L’affaire Mohamed Diané, qui symbolise les luttes anticorruption du régime actuel, entre dans une nouvelle phase, plus spectaculaire, plus publique : celle de la redistribution des biens saisis. Une manière aussi, pour l’État, d’envoyer un message fort : nul ne sera au-dessus des lois — ni dans les palais du pouvoir, ni dans les tours luxueuses de Conakry.
Saliou Keita