Dans une salle d’audience chargée de gravité et d’attentes, la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF) a vibré, ce jeudi 8 mai, au rythme des réquisitions tonitruantes du parquet dans le procès en appel d’Amadou Damaro Camara, ancien président de l’Assemblée nationale de Guinée. Au nom du peuple et de l’éthique républicaine, le ministère public a réaffirmé avec une force implacable sa volonté de voir confirmer la condamnation déjà prononcée en première instance : quatre ans de prison ferme pour corruption.
C’est un réquisitoire à la hauteur de l’enjeu qu’a livré le procureur spécial Aly Touré. Le ton grave, les mots pesés comme des coups de marteau sur l’enclume de la justice, il a déroulé avec une rigueur chirurgicale les faits accablants qui plombent le dossier. Au centre de l’affaire : un marché public opaque, attribué à une société dirigée par un certain M. Kim, dans un mépris spectaculaire des règles les plus élémentaires de la passation.
« Tout marché public doit obéir à des règles strictement définies par la loi. En violant ne serait-ce qu’une seule disposition, le comportement est assimilable à de la corruption et puni comme tel », a martelé le magistrat, citant l’article 52 alinéa 3 de la loi sur la corruption comme une sentence biblique. Le ton n’est pas à la clémence : les irrégularités sont nombreuses, grossières, flagrantes. Et leur cumul laisse peu de place au doute.
« Le marché octroyé à la société de M. Kim n’a pas respecté les règles basiques de passation. De nombreuses dispositions ont été violées. La conclusion est inéluctable : il y a corruption », a insisté Aly Touré, comme pour graver ces mots dans la mémoire collective.
Le parquet ne fait pas dans la nuance : il adhère sans réserve au verdict initial, en particulier sur le volet pénal. « Nous souscrivons à toutes les dispositions du premier jugement dans son volet action publique », a-t-il martelé, rappelant au passage que la corruption est une infraction d’une gravité extrême, qualifiée d’« anacyclique » et encadrée aussi bien par le Code pénal que par une loi spécifique, encore plus incisive lorsqu’il s’agit des marchés publics.
À travers cette réquisition, c’est toute une conception de la probité publique qui s’exprime, une volonté farouche de tourner une page d’impunité chronique. Le nom d’Amadou Damaro Camara, jadis synonyme de pouvoir et de verbe haut, s’écrit désormais à l’encre sombre dans les registres de la justice.
La cour dira son dernier mot, mais le message du parquet est clair : nul, fût-il au sommet de l’État, ne peut se soustraire à l’impératif de redevabilité. Un moment de vérité s’impose, et avec lui, peut être, l’espoir d’un sursaut moral national.
Amadou Diallo