Chronique
Il pensait sans doute que les prières du vendredi offriraient un moment de répit. Mais ce 9 mai 2025, à la sortie de la grande mosquée Unity Foundation de Monrovia, c’est une autre forme de ferveur qu’Ousmane Gaoual Diallo a rencontrée : celle, brûlante, de la colère d’une diaspora guinéenne désabusée.
Le ministre des Transports et porte-parole du gouvernement guinéen, en mission officielle au Liberia, venait de quitter les lieux saints, entouré de son équipe et de l’ambassadeur de Guinée. Mais dans la rue, l’attendaient des cris, des huées, et un slogan aussi court qu’éloquent : « Gaoual zéro ». Un comité d’accueil improvisé, formé de jeunes Guinéens visiblement déterminés à lui faire entendre leur désapprobation.
La scène, filmée par plusieurs téléphones, a très vite fait le tour des réseaux sociaux. Dans l’une des vidéos, un homme, hors de lui, tente de s’approcher du ministre, repoussé in extremis par un agent de sécurité. « Je voulais juste lui dire qu’on n’est pas contents. Il ment en Guinée, qu’il ne vienne pas mentir ici aussi ! » crie-t-il, avant d’être écarté. L’ambiance est électrique.
Le ministre, fidèle à son habitude de vouloir répondre, a tenté un début d’échange. Mais le dialogue s’est brisé sur un mur de colère. Il aura fallu l’intervention de quelques notables et religieux pour apaiser la tension. On aurait dit une scène de théâtre en plein air : un homme de pouvoir confronté à ceux qu’il prétend représenter, mais dont la foi en ses paroles semble s’être évaporée.
Ce n’est pas la première fois qu’Ousmane Gaoual Diallo fait face à la défiance de la diaspora. En septembre 2023 déjà, il avait été hué à la mosquée Fouta Islamic Center de New York. Deux incidents, deux continents, mais une même scène : un rejet manifeste, presque symbolique, d’un pouvoir accusé de parler sans écouter.
Cette récurrence dit plus qu’un simple malaise passager. Elle révèle le fossé qui s’est creusé entre certains représentants du régime de Conakry et des Guinéens de l’étranger, souvent plus libres dans leurs critiques, et moins enclins à pardonner les promesses non tenues. Gaoual, lui, semble devenu la cible idéale de ce ressentiment.
Vendredi noir à Monrovia pour un ministre en déplacement. Mais surtout, nouveau signal d’alarme pour un pouvoir qui peine à rassembler, même au-delà des frontières.
Algassimou L Diallo